Synthèse macro-économique

Premier trimestre 2022

Par Frédéric Hamm

15/04/2022

Au niveau du marché des actions, la multiplication par deux de la volatilité au plus fort de la période de tensions dû à la guerre en Ukraine a entraîné une baisse des marchés à l’image du MSCI World (-15% sur le trimestre). A noter, bien que les événements aient lieu en Europe, l’indice large STOXX Europe 600 a cédé seulement 6,55% sur la période ; des secteurs tels que l’Energie ou les Ressources de base se targuant même de clôturer le trimestre dans le vert au détriment des valeurs les plus sensibles aux hausses de taux tels que celles du secteur technologique ou encore des sociétés fortement endettées. Toutefois, chez Blue Colibri nous sommes convaincus que les intervenants de marché n’ont pas encore pris en compte la totalité des conséquences de la crise ukrainienne quant à l’impact de celle-ci sur les marges des entreprises. Les publications des sociétés pour le premier trimestre de cette année, mais plus encore, les prévisions de ces dernières pour l’année en cours devraient se charger de nous le rappeler.

Concernant les taux, le 10ans US (T-Note) est passé en à peine un trimestre de 1.5% à 2.4% ; pire, les rendements à deux ans ont connu leur plus forte hausse trimestrielle depuis 1981, ce qui a eu pour conséquence une inversion de la courbe des taux : le taux à 2ans US devenant supérieur au taux à 10ans. Pour information, à chaque fois qu’il y a récession cette configuration se met en place. Même constat en Europe avec le taux à 10ans de l’Italie (BTP) qui a gagné 78% sur le trimestre passant de 1.17% à 2.10% ; avec une dette sur PIB de plus de 150% nous allons rapidement à ce rythme tendre vers un coût du crédit intenable pour l’Italie. Parallèlement, le taux à 10ans de l’Allemagne (Bund) est passé de -0.20% à 0.56% (plus aucun pays n’a de taux long négatif désormais), celui de la France (OAT) de 0.2% à 1.1% (plus haut depuis 2017).

Chez Colibri AM, nous insistons depuis plusieurs mois sur le risque probable de « stagflation » (baisse de la croissance accompagnée d’inflation). Et la crise ukrainienne nous amène un peu plus vers cette situation économique.

A propos des matières premières, le baril de pétrole WTI a inscrit de nouveaux plus hauts depuis 2008 en grimpant jusqu’à 123$ début mars pour finalement clôturer le trimestre avec une augmentation de 30%. Cela a contribué à l’indice CRB regroupant l’ensemble des matières premières cotées de poursuivre sa fulgurante croissance entamée en juin 2020 et d’afficher un nouveau plus haut historique avec également un gain de 30% sur le trimestre. Parmi les composantes de cet indice nous pouvons retenir le Nickel dont le prix a explosé au mois de mars en augmentant de 130% rien que sur la première semaine ; en définitif la commodité a fini le trimestre sur un gain de 53%. Chez Colibri AM, nous maintenons une forte prudence sur les sociétés européennes gourmandes en matières premières dont les marges risques fort de s’étioler (là encore les résultats de premier trimestre vont certainement renforcer nos anticipations) ; et ce d’autant plus avec la faiblesse persistante de l’euro face au dollar.

En ce qui concerne les devises justement, le dollar index (le dollar face à l’ensemble des autres devises internationales) continue sur sa tendance du trimestre précédent en passant de 96.5 à 99 points. La crise ukrainienne a encore plus fragilisé l’euro. En effet, face au dollar la devise européenne a testé une zone graphique forte (1.07/1.08) qui, si elle devait céder, nous amènerait droit vers la parité, voire pire, selon Blue Colibri. Par ailleurs, il est intéressant de noter que les devises dites « matières premières » se sont logiquement distinguées ; outre les plus connues telles que le dollar australien, le dollar canadien ou encore la couronne norvégienne nous pouvons citer le real brésilien et le rand sud-africain en hausse face à l’euro de 17% et 10% respectivement depuis le début de l’année.

Enfin, au niveau géopolitique, le conflit entre l’Ukraine et la Russie a pris de nouvelles proportions beaucoup plus importantes. Mais au-delà de cette guerre, si l’invasion de l’Ukraine perdure sur plusieurs mois, une partie du monde risque de crier famine au vu du poids considérable que représente ces deux pays dans l’approvisionnement de matières premières céréalières (blé, maïs, tournesol). Même constat au niveau de certains secteurs économiques, et ils sont nombreux, liés à l’aluminium, au nickel, au palladium ou encore au titane. Seul le secteur de l’armement se porte bien, notamment avec la volonté de l’Allemagne de fournir 100 milliards d’euros supplémentaires dans son armée ; annonce qui a par exemple permis au conglomérat allemand Rheinmettal de voir son cours de Bourse bondir de 131% sur le trimestre. Plus généralement, d’après Colibri AM, ce conflit signe sans doute le ralentissement durable de la mondialisation et la scission du monde en deux pôles : pays Occidentaux d’un côté versus Chine, Russie, Inde, Afrique de l’autre.